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Front de Gauche, L'échec d'une belle aventure !(1)

Le succès de la campagne électorale de Mélenchon, en 2011/2012, indiquait l’énorme potentiel du Front de Gauche. Mais les dirigeants du PCF et du PG se sont immédiatement divisés sur l’attitude à adopter à l’égard du gouvernement et du PS. A l’été 2013, les divergences éclataient au grand jour sur la question des alliances aux municipales. En conséquence, le Front de Gauche a reculé.

La direction du PCF porte la plus grosse part de responsabilité dans cette situation. Lorsque François Hollande a accéléré sa politique de coupes budgétaires et de contre-réformes, Pierre Laurent s’est contenté de demander que le gouvernement « change de cap ». Or la plupart des électeurs de gauche ont vite compris que cela n’arriverait pas, qu’il n’y aurait pas de changement de cap vers la gauche, que la dynamique du gouvernement était vers la droite. La direction du PCF et les « frondeurs » semblaient être les seuls à ne pas le comprendre.

Face au rejet massif de la politique du gouvernement, le Front de Gauche devait se présenter comme une opposition et une alternative de gauche à construire sans tarder, sur la base d’un programme offensif. Mélenchon développait cette approche générale – qu’il affaiblissait, cependant, par des manœuvres opportunistes avec les Verts. Mais la direction du PCF la rejetait en bloc. Elle refusait de se définir comme une « opposition de gauche » au gouvernement. Elle se présentait comme une voix « critique » de la majorité, non comme une alternative. Jour après jour, Pierre Laurent et André Chassaigne expliquaient qu’il fallait patiemment « convaincre » les parlementaires socialistes. Ces derniers les écoutaient poliment, les accueillaient à La Rochelle – puis votaient des mesures de plus en plus réactionnaires.

Les alliances du PCF avec le PS aux élections municipales, alors que le gouvernement était en chute libre dans l’opinion, ont porté le coup de grâce à la dynamique du Front de Gauche. De son côté, le Parti de Gauche ajoutait à la confusion en multipliant les alliances avec les Verts, qui, à l’époque des municipales, étaient toujours au gouvernement. Parmi les quatre millions de personnes qui avaient soutenu le Front de Gauche en avril 2012, beaucoup ont vu dans cette séquence la preuve que les dirigeants du Front de Gauche « ne valent pas mieux que les autres politiciens ». Les élections européennes de juin 2014 ont marqué un net reflux électoral du Front de Gauche, le ramenant au niveau de 2009.

Les masses cherchent une issue à la crise. A un certain stade, cela trouvera une expression sur la gauche. Mais il est difficile de prévoir quel en sera l’axe. Le Front de Gauche pourrait être relancé pour la campagne de 2017. Mais les lignes de fractures entre le PG et le PCF ne sont pas résorbées. Par exemple, le PCF a fait des alliances avec le PS dans un certain nombre de cantons, au premier tour des élections départementales, et il semble se préparer à en faire au premier tour des élections régionales. Si Mélenchon a lancé le M6R, c’est justement pour tourner la page d’un Front de Gauche compromis par ses erreurs, ses divisions – et notamment par les alliances passées et à venir du PCF avec le PS.

Même si le PCF a apporté d’importantes forces militantes à la campagne de 2012, c’est autour de Mélenchon – et la radicalité de ses discours – que s’est créée la dynamique permettant de passer, en quelques mois, de 4 % dans les sondages à 11 % dans les urnes. Cependant, le discrédit du Front de Gauche a partiellement affecté la popularité de Mélenchon, qui en outre poursuit la politique insensée des alliances avec les Verts. Il déclarait récemment « envisager une candidature commune » avec EELV pour l’élection présidentielle. Son objectif est de capter l’électorat des Verts et, semble-t-il, d’y provoquer une scission de gauche. Ces manœuvres discréditent Mélenchon plus qu’autre chose. Par exemple, aux élections départementales, les Verts ont fait alliance avec le Front de Gauche dans de nombreux cantons – et avec le PS dans de nombreux autres.

Beaucoup de travailleurs sont attentifs aux alliances – et en tirent des conclusions. Le succès de Podemos et de Syriza reposait notamment sur une rupture complète avec tous les partis liés, d’une façon ou d’une autre, aux politiques d’austérité. Mélenchon dit avoir compris cette leçon, mais il n’en tire pas toutes les conclusions pour lui-même.

Mélenchon conserve toujours une partie de l’autorité et du soutien acquis en 2011 et 2012. Si aucune autre figure n’émerge à gauche du PS, il sera un candidat crédible pour 2017. Dans la période à venir, de nouvelles couches de travailleurs chercheront une alternative de gauche aux politiques d’austérité ; en se mobilisant, elles pourraient relancer ceux qui ont été déçus par le Front de Gauche. De grandes luttes accéléreraient le processus de cristallisation politique. Les développements en Grèce, en Espagne et dans d’autres pays d’Europe auront aussi un impact important. Le M6R – ou une autre initiative – pourrait finir par se développer bien au-delà des cercles militants.

La perspective d’une campagne présidentielle dominée par le PS, l’UMP et le FN suscitera la volonté de faire émerger une alternative de gauche. Celle-ci aurait un potentiel bien plus important qu’en 2012, du fait du développement de la crise et du discrédit du PS.

Fondé à la suite de l’élection présidentielle de 2007, le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) essayait de fédérer la plupart des tendances de la gauche « anticapitaliste ». Quelques années plus tard, l’échec est flagrant. Dès les premiers revers électoraux, le NPA est entré en crise. Son déclin s’est accéléré du fait de son sectarisme et du succès du Front de Gauche en 2011 et 2012. Il a fini par éclater en diverses fractions rivales, séparées principalement sur la question des alliances électorales. Passé d’environ 9000 adhérents à son apogée à moins de 2000 aujourd’hui, le NPA n’a réussi à adopter qu’une seule résolution lors de son dernier congrès (février 2015), qui excluait toute alliance politique avec les organisations membres du Front de Gauche. Il ne sera pas en mesure d’occuper l’espace politique à la gauche du PS.

Fort de ses dizaines de milliers d’adhérents, le PCF pourrait-il jouer un rôle important ? Il n’en prend pas la direction. Le PCF est perçu comme faisant partie du « système » – à juste titre en ce qui concerne sa direction et nombre de ses élus. Malgré la crise du capitalisme, malgré le discrédit du PS, les effectifs militants du PCF continuent de baisser. Le parti compte toujours des milliers de militants sincères et dévoués à la cause des travailleurs, dont un certain nombre peuvent être gagnés à nos idées. Mais dans son ensemble, la base du parti est souvent désorientée et déconnectée de l’humeur réelle de la classe ouvrière. Nombre de militants font porter la responsabilité des échecs du PCF et du Front de Gauche sur le prétendu « faible niveau de conscience des travailleurs ». Au fil des années, la composition sociale du parti s’est modifiée ; le poids relatif des classes moyennes et des couches supérieures du salariat a augmenté. Avec la baisse des effectifs, le poids relatif de l’appareil et des élus s’est également renforcé.

Les alliances avec le PS portent des coups sévères à l’autorité du PCF. La direction du parti préfère s’accrocher au navire coulant du PS – ce qui lui permet de sauver des élus àcourt terme – plutôt que de rompre avec lui. Cela reflète son manque de confiance dans la classe ouvrière et dans ses propres idées. Comme la « gauche du PS », la direction du PCF a évolué dans les sillons de la droite du PS, ces dernières décennies. Au beau milieu de la plus grave crise du capitalisme depuis les années 30, elle défend un programme réformiste extrêmement modéré.

Dans leurs discours, les dirigeants du PCF s’adressent à « tous les électeurs de gauche ». Mais tant qu’il n’aura pas rompu avec le PS, tant qu’il sera perçu comme son « allié traditionnel », il ne pourra pas constituer un pôle d’attraction pour les électeurs qui rejettent le PS et cherchent une alternative de gauche. Une petite force réformiste qui se positionne légèrement sur la gauche du PS, sans rompre avec lui, n’a pas grand intérêt.

Si la base du PCF n’impose pas un virage à gauche du parti, c’est son existence même qui est en jeu, à terme. L’expérience du PRC italien – aujourd’hui marginalisé – rappelle que les erreurs des dirigeants peuvent finir par détruire un parti ouvrier de masse. Aujourd’hui, il ne reste presque plus rien du Parti Communiste Italien, qui était le plus puissant Parti communiste en Europe.

Le déclin du PRC renferme d’importantes leçons pour le PCF. Par exemple, ce qui a contribué à précipiter la marginalisation du PRC, c’est l’attitude de sa direction lors du conflit ouvert entre les chefs droitiers de la CGIL (l’équivalent de la CGT) et sa fédération de la métallurgie (la FIOM), lorsque celle-ci a organisé de grandes luttes des travailleurs de l’industrie automobile, en 2010. Dans ce conflit, les dirigeants du PRC ont adopté une attitude ambiguë, refusant de prendre fait et cause pour la FIOM face à des dirigeants de la CGIL qui, en substance, capitulaient face au patronat et au gouvernement. Cela a discrédité le PRC auprès des travailleurs et syndicalistes italiens les plus combatifs. En France, la direction du PCF se range systématiquement du côté des bureaucraties syndicales contre les éléments les plus à gauche. Lors de la grève reconductible des cheminots, en juin 2014, Chassaigne a joué un rôle scandaleux. Le PCF était perçu comme l’allié de Lepaon – qui faisait pression pour que la grève s’arrête – contre les cheminots les plus combatifs. De même, l’attitude de L’Humanité et des dirigeants du PCF, lors de « l’affaire Lepaon », était aux antipodes de la colère légitime de nombreux militants CGT.

A la faveur de grandes luttes, ce qui reste des réserves sociales et militantes du PCF peut lui permettre de croître à nouveau. Un afflux important de militants s’accompagnerait d’une plus grande polarisation interne. Mais ce n’est qu’une possibilité – et la politique actuelle des dirigeants du parti y fait obstacle. La crise du capitalisme accélère tous les processus. En Espagne, l’émergence de Podemos entraîne la décomposition d’Izquiera Unida, dont les dirigeants étaient perçus, eux aussi, comme faisant partie du système, notamment du fait de leurs alliances avec le PSOE. En France également, si les militants communistes ne parviennent pas à modifier la ligne du PCF, il pourrait continuer de décliner, en particulier si une autre force politique émerge sur la gauche du PS.

1) http://www.marxiste.org/actualite-francaise/perspectives/1008-perspectives-pour-la-france-2015

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